ARTAUD LE PIRATE
NOTES SUR LE FILM DE PIRATES (7) par Hubert de Mauvouloir
Après avoir suivi des études en médecine, Luitz-Morat a entamé une carrière d’acteur sous la direction de Louis Feuillade et d’Henri Fescourt avant de se lancer dans la mise en scène. Grand partisan du cinéma populaire, il réalise en 1925 Surcouf, ciné-roman à grand spectacle, et en 8 épisodes, produit par Louis Nalpas, cousin germain d’Antonin Artaud. Sur un scénario d’Arthur Bernède et de J. L Bouquet, le film sera tourné en Bretagne (à Saint-Malo, Paimpol et Lorient) et aux studios de Joinville. Il relate les prouesses du fameux corsaire, ses amours avec la mystérieuse Madiana et la haine que lui vouent la ténébreuse Tagore et le malouin Jacques Morel. C’est ce dernier rôle qui sera confié à Antonin Artaud, les têtes d’affiche étant Jean Angelo, l’un des plus célèbres jeunes premiers français du muet (il sera Monte Cristo dans la version de Fescourt de 1929) et Marai Dalbaïcin.
Jean de Mirbel dans Cinémagazine du 23 janvier 1925 qualifie de remarquable la présence d’Artaud « dans une composition parfaite de traitre perfide et sournois » ce que l’intéressé conteste : « Surcouf vient de me donner une déception terrible, insupportable, inavalable, je m’y suis vu avec horreur(…) j’ai trouvé dans Surcouf, à coté d’une ou deux bonne choses, des énormités inconcevables de maladresse ».
L’intérêt d’Antonin Artaud pour le genre ne se limite pas à cette simple figuration. Le 26 avril 1929, il dépose à l’Association des auteurs de films une adaptation du roman de Stevenson, Le Maître de Ballantrae. Artaud espérait en assurer la mise en scène, avec Jules Kruger comme opérateur. Un devis de production assez précis avait été établi mais le film ne verra jamais le jour. Il faudra attendre l’adaptation de William Keighley en 1953 (avec Errol Flynn) pour que le roman de Stevenson soit enfin porté à l’écran.